Les chroniques d'Olivier - Mercredi 26 avril 2017
LE HORSE BALL DANS LES STEPPES DU KIRGIZISTAN
Les Horse-Balleurs présents sur les réseaux sociaux n’ont pas pu manquer, il y a quelques semaines, des photos d’un pittoresque Horse-Ball joué au Kirgizistan sur des steppes enneigées par des équipes locales avec des joueuses et joueurs français, façon "Rendez-vous en terre inconnue". Attiré par ces beaux carnets de voyage Horse-Ballistique et sur les conseils de Sernin Pitois, je suis allé à la rencontre de Rosane BREUX, Quentin MEZIERE et Xavier BREMONDY pour mieux découvrir cette aventure...
Tournoi de Toktogul : les 3 équipes de Horse-Ball Kirghizes retenues pour le tournoi (Copyright : LAY)
. Olivier Leschiera : Bonjour Rosane, Quentin et Xavier ! Parlez-nous de cette aventure Horse-Ballistique au Kirghizistan ? Comment et quand est-elle née ? En quoi consiste-t-elle ?
. R.Breux / Q.Mezière / X.Bremondy : Commençons donc par un petit historique !
En 2006, Sernin Pitois entend Jacqueline Ripart sur France Culture qui présente un festival équestre au Kirghizistan et elle y compare alors le kok-boru (ndlr : ce jeu équestre, très populaire parmi les Kazakhs, Kirghizes, Tadjiks, Ouzbeks et d'autres peuples d'Asie Centrale, voit s’affronter deux équipes de cavaliers qui se disputent une carcasse de chèvre et doivent la porter, après l’avoir attrapée, jusque dans le but adverse) au polo. Grave erreur ! Sernin se met en tête de la rencontrer et de lui faire découvrir le Horse-Ball afin qu’elle observe les similitudes avec le kok-boru.
En août 2007, une première délégation française composée de Baptiste Auclair, Florian Delon, Nicolas Poirier ainsi que de la famille Rigaud (Myriam, Armande, Philippe et Etienne) part pour le Kirghizistan avec Jacqueline Ripart (Marie Quétier et Sernin ne sont pas de la partie). Sur place, ils font connaissance avec leur interprète, Munarbek Kuldanbaev, qui dirige une entreprise de trekking sur place (www.kirghizasia.com). Les Rigaud y retournent plusieurs fois, toujours avec Munarbek comme contact qui, en 2011, organise un premier échange autour du Horse-Ball.
Cérémonie d’ouverture des World Nomad Games : Septembre 2016
En 2011, Munarbek fait venir Marie Quétier, Delphine Lebris, Philippe et Myriam Rigaud et Sernin pour animer différents stages dans le pays. Ils montent des buts de Horse-Ball dans des grandes steppes, les bergers arrivent à cheval des montagnes voisines et tous passent la journée à partager autour du kok boru et du Horse-Ball : une expérience inoubliable pour eux et les prémices du développement du Horse-Ball dans le pays.
En 2016, Philippe Rigaud prévient Sernin que Munarbek peut organiser une démonstration de Horse-Ball pendant les World Nomad Games (événement rassemblant 40 nations autour de 23 sports nomades ancestraux dont la plus grande compétition internationale de kok-boru) : c’est l'occasion idéale de présenter le Horse-Ball à des nations potentiellement intéressées pour développer chez eux ce sport inspiré du leur. C’est pour cela que nous partons, tous les 3 avec 4 comparses, en septembre pour faire une démonstration lors de cet événement. Nous restons ensuite en contact avec Munarbek qui a exprimé à Xavier le souhait de nous faire revenir en hiver pour organiser des stages et un tournoi, les joueurs locaux étant pour la plupart bergers et étant occupés l’été par leurs troupeaux.
C’est donc en février 2017 que nous décidons de repartir. Au programme : visite des écoles, démonstrations de Horse-Ball, stages avec les différentes équipes de la région et pour finir, une journée de tournoi devant les officiels. Ce séjour est non seulement l'occasion de poursuivre le travail de promotion du Horse-Ball débuté lors des World Nomad Games à travers le soutien aux équipes locales (6 équipes rencontrées) mais également un échange culturel d'une richesse inattendue. Nous étions 13 à partir en février : Horse-Balleurs ou retraités, de différents horizons mais également des reporters (ndlr : de la société LAY Production - Look Around You) dont l'objectif était de proposer un film documentaire autour de cette expérience. En bref, un bon groupe de copains avec une soif de découverte, d’aventure et surtout de partage !
Pendant les World Nomad Games.
. Olivier Leschiera : Racontez-nous le HB au Kirghizistan s’il-vous-plait ! Qu’est-ce qui est différent, dépaysant par rapport au sport que vous connaissez en France ? Qu’est-ce qui est commun ?
. R.Breux / Q.Mezière / X.Bremondy : Pour qui ne serait élevé qu’à la sauce TF1, un pays coincé entre le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et proche de l’Afghanistan cela pourrait être de nature à inquiéter ! Ce qui frappe le plus là-bas, c’est l’ouverture du pays au monde extérieur. Pour comprendre cela, il faut se remettre dans le contexte et imaginer que c’est un pays de l’ex-URSS qui n’a acquis son indépendance que depuis une vingtaine d’années, d’où cette envie de recevoir, de découvrir et de se faire connaître à l’international.
Le Horse-Ball est d’ailleurs une brique dans la construction de cette porte vers le monde occidental : en effet, pour un pays dont la culture s’est construite autour du cheval, dont la quasi-totalité de la population est cavalière (vous y croisez des enfants de 4 ans à cheval sur des poulains de 6 mois, les chevaux sont partout : pour se déplacer, travailler, jouer, faire du sport et aussi se nourrir) et dont les jeux à cheval sont les plus populaires, quel meilleur sport que le Horse-Ball pour se montrer et s’exporter ?
Partie de kok-boru contre les Kirghizs (Copyright : LAY)
Munarbek a tout de suite vu qu’il serait difficile d’amener le kok-boru en occident et de tuer une chèvre au milieu des carrières de Lamotte Beuvron : il s’est donc fait l’artisan du développement du Horse-Ball au Kirghizistan.
Le kok-boru se joue sur des bases de block comme au foot américain, puisqu’il est compliqué de se faire des passes avec une carcasse de chèvre de 30kg : ainsi, ils ouvrent la voix au porteur… de chèvre !
Le rapport à l'animal est complètement différent et il reste beaucoup de travail à accomplir pour que la culture évolue et que des équipes locales puissent pratiquer le Horse-Ball en compétition internationale. Des exemples de points à traiter : comment faire intégrer la non utilisation de la cravache ? Pourquoi faut-il une visite vétérinaire ? A quoi servent les protections ?
Si la pratique du Horse-Ball les amuse, les cavaliers auxquels nous avons eu affaire ont montré un esprit de compétition, une motivation et une rigueur pour le moins surprenants. L'organisation "à la Kirghize" est un concept à elle-seule ("Qu’est ce qu’on fait ?"... "Là, je ne sais pas, on attend"…) mais nos interlocuteurs ont montré au final un sérieux et une application importants pour jouer au Horse-Ball !
Pendant les World Nomad Games, photo avec l’équipe de kok-boru du Kirghizistan (Copyright : Marie-Anaïs Thierry)
Le tournoi, auquel nous avons assisté, était doté, ce qui est une différence majeure avec le Horse-Ball en France. Pour le reste, nous retiendrons l'enthousiasme des joueurs, le développement d'un jeu intéressant et le respect des règles et consignes des arbitres malgré la barrière de la langue. Il était également important de montrer que les femmes peuvent aussi faire du sport, et avec les hommes. Lors de la démonstration aux World Nomad Games et du tournoi de l’hiver dernier, il y avait toujours une cavalière par équipe française.
. Olivier Leschiera : Avez-vous des anecdotes à partager avec nos lecteurs ? Quels souvenirs en gardez-vous déjà ?
. X.Bremondy : Des anecdotes, il n’y a que cela ! Je retiendrais cependant ce moment avec Marc et Marie-Anaïs lors de notre premier voyage pour les World Nomad Games en septembre 2016 : nous débarquions juste de l’avion et ne savions pas du tout où nous mettions les pieds (nous, nous pensions juste venir faire du poney dans la montagne !)… Et là, on nous épingle un badge "athlètes", une jolie jeune fille avec un drapeau français et nous voilà, complètement jetlagés, à défiler lors de la cérémonie d’ouverture devant une tribune de 12 000 spectateurs déchaînés… Nous savons ce que ressentent les participants aux JO maintenant (mais avec la surprise en plus…) !
Février 2017 : séance de démonstration après la partie de kok-boru (Copyright : LAY)
. Q.Mezière : Mes premières retrouvailles avec les copains après trois mois en Mongolie ont été au Kirghizistan, chez un local, au milieu de nulle part pendant que nous préparions les buts pour la démonstration aux World Nomad Games. Je retiens aussi les toasts à la vodka pendant les repas officiels : c’est la première fois que j’ai craint qu’on ne me resserve un verre d’alcool… Et d’un point de vue Horse-Ball, le plaisir de voir les premières passes et shoots à deux mains et l’évolution rapide de leur jeu…
. R.Breux : Je dirais totale transe pour tous les souvenirs. Ce pays est magique et ses habitants incroyables. Souvenir surréaliste : un match de kok-boru France vs France dans la neige (après un Kirghizistan vs France où les copains se sont très bien débrouillés). Les kirghizs nous ont fait l'honneur de tuer une chèvre devant nous pour jouer avec nous puis nous l’avons mangée ensemble. Et durant le premier séjour, passer de l'ambiance du stade des World Nomad Games à la quiétude du village de yourtes en montagne, tout cela au bord de lacs d'altitude gigantesques… Grandiose !
Visite des steppes pendant 3 jours en Septembre : course de galop (Copyright : Marie-Anaïs Thierry)
. Olivier Leschiera : Y a-t-il déjà des projets prévus ou engagés avec les officiels et les joueurs du Kirghizistan ?
. R.Breux / Q.Mezière / X.Bremondy : Un projet ?!? Mieux que cela, une ambition : l’objectif est de pouvoir observer le jeu Kyrghize lors de la prochaine Coupe du Monde. Mais ne le dis à personne, c’est une surprise...
Lors de la dernière session, nous avons rencontré 3 maires de village, 2 chefs de région, l’ambassadeur de France. Munarbek est assistant parlementaire là-bas (ce n’est pas un emploi fictif…). Dire qu’on paie des gens en France et ailleurs pour le développement du Horse-Ball alors que Munarbek y va de sa poche pour permettre à son pays d’entrer sur la scène internationale au Horse-Ball, cela nous donne à réfléchir sur les motivations de nos cadres… L'objectif pour nous est donc de retourner chaque hiver soutenir les joueurs dans leur préparation…
Et par là même, de retourner voir des amis dans leur si beau pays !
Terrain de Horseball dans la neige : Février 2017
Olivier Leschiera a découvert le horse ball grâce à ses deux filles qui le pratiquent à Montéclin (Ile de France). Grand amateur de sport en général mais non-cavalier, il s'est épris de cette discipline et a à coeur de partager sa passion, soit en commentant régulièrement des matches (il est l'un des speakers sur l'évènement "Jardy - Horse Ball"), soit en écrivant, notamment sur la page Facebook de la HB little family qu'il a créée en ce sens. |