Les chroniques d'Olivier - Mercredi 11 janvier 2017
LE MANAGEMENT SPORTIF - 2ème partie
En ce début d’année, je souhaite vous proposer quelques chroniques basées sur certaines de mes lectures hors Horse-Ball : management, sport, l’idée est de prendre un peu de hauteur et de s’ouvrir à la réflexion en tendant des liens avec d’autres univers...
Ce billet m’a été inspiré par la lecture d’une étude menée par Anita Elberse, professeure à la Harvard Business School, sur le management de Sir Alex Ferguson, coach de Manchester United de 1986 à 2013 (cf. le Must du Leadership – hors-série Automne 2016 de la Harvard Business Review).
Cette étude, qu’Anita Elberse a menée directement avec Ferguson afin qu’elle soit la plus précise et la pertinente possible, a permis de mettre en lumière huit principes directeurs de management (pas que sportif d’ailleurs) que je vais partager avec vous et qui, je l’espère, pourront vous inspirer ou vous faire réfléchir et vous faire réagir dans votre pratique du Horse-Ball.
A vous de découvrir désormais (après un premier volet déjà diffusé) les quatre derniers principes directeurs...
Sir Alex Ferguson
Principe #5 : "faites passer le bon message au bon moment" |
Alex Ferguson a réalisé durant sa carrière de manager l’importance d’une communication juste vers ses joueurs, cherchant à concilier la valorisation (qui permet de renforcer la confiance) mais aussi la critique (qui doit permettre de faire monter en compétences). Une approche qui peut surprendre compte tenu de sa réputation de fermeté et de grande exigence mais qu’Andy Cole, l’un de ses joueurs, confirme : "Si vous avez perdu, mais que Sir Alex considère que vous avez tout donné, pas de problème. Mais si vous perdez après vous être traîné sur le terrain… alors attention les oreilles !".
Ferguson confie : "Personne n’aime être critiqué. Et peu de gens s’améliorent grâce à la critique. A l’inverse, la plupart réagissent positivement à des encouragements. C’est pourquoi j’essayais d’en adresser quand je le pouvais. Pour un joueur, comme pour tout être humain, rien ne vaut mieux que d’entendre : "Bien joué !". Ces deux mots, les plus beaux jamais inventés, sont supérieurs à bien des superlatifs. En même temps, dans le vestiaire, il est nécessaire de pointer les erreurs lorsque les joueurs ne répondent pas à vos attentes. C’est à cet instant que les critiques sont les plus importantes. Je les formulais juste après le match, pas question d’attendre le lundi. Après quoi, c’était fini, j’étais déjà dans le match d’après : cela n’a pas de sens de critiquer un joueur sans arrêt. En général, mes causeries d’avant match portaient sur nos attentes, sur la confiance que les joueurs avaient en eux-mêmes et envers les autres".
Une recherche de la confiance qui n’était pas non plus synonyme pour Ferguson de clémence ou manque d’exigence : "Nous cherchions à bâtir une équipe de super-athlètes capables d’intelligence tactique. Il est impossible d’y parvenir avec une méthode trop douce. Il faut instiller de la peur, mais sans pour autant se montrer trop dur. L’âge aidant, j’ai pris conscience qu’afficher sans arrêt sa colère ne marchait pas. Il faut choisir ses moments : l’entraîneur est quelqu’un qui, selon l’instant, joue des rôles différents. Il lui faut parfois agir comme un médecin, d’autres fois comme un professeur ou un père de famille".
L’importance de la communication adaptée à l’instant et à la personne qu’elle vise a du sens dans tout sport (comme dans le monde de l’entreprise d’ailleurs) et donc en Horse-Ball. Nous connaissons tous des coaches qui ne savent être que durs ou qui ne savent pas critiquer et assurer un retour sur ce qui ne va pas, ce qu’il faut modifier. Ce que Ferguson nous rappelle, c’est que les excès dans tout sens ne sont pas des gages d’efficience et que les managers doivent travailler sur eux-mêmes (il le reconnait pour lui-même...) pour améliorer leurs échanges avec leurs troupes... Un principe qui devrait inciter tout coach de Horse-Ball, quel que soit l’âge et l’expertise de ses joueurs, à s’interroger sur l’efficacité de sa communication !
Anita Elberse
Principe #6 : "préparez-vous à vaincre" |
Les analyses montrent que Manchester United a été, durant le mandat de Ferguson, le club le plus performant de Premier League lorsqu’il y avait match nul à la mi-temps et même encore à quinze minutes de la fin du match. Anita Elberse a recherché les causes de cette réussite plus forte chez les Mancuniens qu’ailleurs ; si les causeries à la mi-temps et les réajustements tactiques peuvent l’expliquer, la professeure a mis en lumière une autre cause de succès : Ferguson préparait encore plus que les autres son équipe à la victoire lors des entraînements, notamment en lui faisant répéter des schémas de jeu différents selon qu’elle aurait besoin de marquer à dix, cinq ou trois minutes de la fin d’un match...
"Les entraînements visent à reproduire des situations de matches difficiles. Cela nous permet de comprendre ce qui est exigé pour gagner dans de tels moments", a expliqué un des entraîneurs adjoints de Ferguson. Sir Alex confirme : "Nous considérons les entraînements comme des occasions d’apprendre et de progresser. Les joueurs pensent sans doute parfois "voilà que cela recommence", mais c’est ce qui nous aide à gagne".
Cette approche, chez Ferguson, ne se limite pas à la croyance, somme toute courante, selon laquelle les équipes qui gagnent doivent leurs succès à des habitudes bien ancrées et des automatismes acquis : elle est aussi la marque sous-jacente d’une insatisfaction permanente et la recherche permanente de l’amélioration. Ce que Ferguson résume par : "Le message est simple : dans ce club, l’immobilisme n’est pas de mise".
Ferguson insiste aussi sur la détermination à gagner dont faisaient preuve ses joueurs et lui : "A chaque fois que nous entrions sur le terrain, je comptais vaincre. Même avec cinq joueurs majeurs blessés, je m’attendais à vaincre. Dans certaines équipes, les joueurs se blottissent les uns contre les autres avant le coup d’envoi. Pas les miens. Dès que nous posions le pied sur la pelouse, j’étais confiant. Je savais les joueurs préparés et prêts à jouer car tout avait été fait pour cela avant que l’équipe ne pénètre dans l’enceinte du stade. (...) Je pense qu’en chacune de mes équipes, il y avait de l’obstination – elles ne baissaient jamais les bras. L’obstination est une très belle qualité, et c’est incroyable de voir ce qui peut parfois survenir dans les ultimes secondes d’un match de football".
Tout cela pourra parler aux Horse-Balleurs, notamment sur l’importance des entraînements comme mise en situation de la réalité d’une rencontre et l’importance de la détermination... Par exemple, à Ponte de Lima, pour avoir vécu leur préparation d’avant-match, je pense que les Bleus étaient programmés pour vaincre. "Des machines, des machines !" avait crié l’un de nos cavaliers à la fin de l’échauffement lorsque les tricolores s’étaient regroupés en cercle. La fin des matches nuls cette saison dans les circuits fermés a déjà aussi mis en lumière toute l’importance de ce sixième principe : on a pu sentir, du bord du terrain, que certaines formations étaient plus préparées à vaincre (et pas uniquement d’un point de vue technique).
Principe #7 : "misez sur le pouvoir de l’observation" |
Ferguson confie à la Professeure d’Harvard : "L’observation est l’avant-dernière pierre de ma méthode de management. Un jour, à Aberdeen, tandis que je partageais une tasse de thé avec un de mes adjoints, il me dit : "Je ne sais pas pourquoi tu m’as fait venir ici. Je ne fais rien, si ce n’est faire travailler l’équipe des jeunes alors qu’en théorie, je suis ici pour t’assister dans l’entraînement de l’équipe et sa composition. C’est sensé être ça, le boulot d’entraîneur adjoint." Un autre adjoint me fit alors remarquer que je pourrais tirer avantage de ne pas diriger moi-même systématiquement tous les entraînements de l’équipe. Sur le coup, ma réponse fut "Non, non, non" mais après avoir réfléchi pendant quelques jours, j’ai dit : "Je veux bien essayer mais je ne promets rien". Pourtant, au fond de moi, je savais qu’ils avaient raison. J’ai donc fini par déléguer les entraînements et ce fut la meilleure décision que j’aie jamais prise. Je n’en ai pas moins gardé la mainmise sur le club : ma présence et ma capacité de superviser ont perduré, et je me suis alors aperçu que ce qu’on peut saisir par l’observation est incroyablement précieux. Une fois la tête sortie du guidon, je suis devenu conscient d’une foule de détails et mon niveau d’expertise s’est beaucoup amélioré. Pour moi, la capacité à voir les choses, en particulier celles qu’on ne s’attend pas à voir, est un élément clé !".
Ce principe inspirera peut-être certains coaches qui ont dans leurs clubs des adjoints (ou des adjoints potentiels) : souvent, ils dirigent des équipes du club à moins haut niveau et pourraient aider le coach principal à prendre un peu de hauteur à l’instar de ce que Ferguson faisait. La délégation, basée sur la confiance, permet aussi de libérer et faire progresser ses collaborateurs...
Principe #8 : "ne cessez jamais de vous adapter" |
Pendant ses 25 ans de gouvernance, Ferguson a vu le monde du football radicalement changé, tant sur le plan financier que sur la connaissance de ce qui peut améliorer le jeu et les joueurs. Un de ses adjoints a mis en avant la force du coach : "Il a fait preuve d’une fantastique capacité d’adaptation face à l’évolution de notre sport". Le coach anglais a ainsi été l’un des premiers à organiser la mise en concurrence sévère, voire féroce, dans son effectif avec, en 1998, quatre avant-centre de niveau international qui se disputaient les deux places dans le onze Mancunien et a réussi à la gérer, obtenant le triplé à l’issue de la saison 1998-1999 (Championnat, Coupe d’Angleterre, Coupe de l’UEFA).
Hors terrain, Ferguson n’a cessé de développer son staff en recrutant une équipe de scientifiques pour épauler ses adjoints, a défendu l’usage de gilets à capteurs GPS pour analyser les performances des joueurs et même inauguré avant son départ une clinique médicale dernier cri sur le site d’entraînement afin de pouvoir traiter vite et confidentiellement les affections des joueurs (hors chirurgie).
Ce que Ferguson résume : "Une des choses que j’ai le mieux réussies au cours de toutes ces années, c’est la conduite du changement. Je crois que, pour le maîtriser, il faut l’accepter. Ce qui signifie aussi faire confiance aux gens que vous embauchez. Il ne faut jamais rester immobile. La plupart des gens ayant mon type de parcours ne cherchent pas à changer. Pour ma part, j’ai toujours considéré que je ne pouvais pas m’offrir le luxe de ne pas changer".
Si on se projette sur le Horse-Ball, même si les enjeux financiers sont diamétralement opposés à ceux du football, le fait que notre sport soit encore jeune offre un large champ de possibilités d’innovation et d’adaptation. Les règlements bougent, l’approche du jeu change avec une part prépondérante du dressage et beaucoup de sources d’inspiration extérieures existent. Ceux qui cherchent à s’adapter et à innover ont, sous réserve de moyens, un champ de réflexion exceptionnellement large. Préparation physique et psychologique, optimisation de la récupération, analyses vidéo, schémas de jeu, médiatisation : toutes ces pistes sont des terrains de jeu riches qui peuvent ne pas forcément mobiliser des budgets énormes et qui permettront de faire progresser notre sport et son attractivité...
Je vous laisse vous inspirer des principes de management de celui qui restera probablement l’un des tous meilleurs coaches sportifs des trente dernières années et réagir, si vous le souhaitez, pour faire avancer les réflexions de chacun !
Olivier Leschiera a découvert le horse ball grâce à ses deux filles qui le pratiquent à Montéclin (Ile de France). Grand amateur de sport en général mais non-cavalier, il s'est épris de cette discipline et a à coeur de partager sa passion, soit en commentant régulièrement des matches (il est l'un des speakers sur l'évènement "Jardy - Horse Ball"), soit en écrivant, notamment sur la page Facebook de la HB little family qu'il a créée en ce sens. |
Publié par Olivier_HBLF le 13-01-2017 08:41
Tout d'abord, merci de vos commentaires auxquels j'adhere, etant pour ma part, un ancien rugbyman qui (je ne le cache pas) a du mettre deux ou trois fois ses fesses sur un equide (les chevaux m'en remercient peut-etre).
Je vais rebondir sur 2 remarques :
1) La ceremonie de la remise des maillots avant la finale de la Coupe du Monde : c'est un rituel classique avant les matches internationaux de rugby. J'ai eu la chance de le vivre de pres pour le relater ensuite (ce passage est dans le livre que j'ai ecrit et je le partagerai plus largement dans une prochaine chronique). Luc Laguerre avait commence sa causerie en disant qu'il avait choisi de s'inspirer d'une bonne pratique qui existe en rugby. Ce fut probablement un moment d'emotions mais surtout de mobilisation sur un seul objectif. Ce que Florian Moschkowitz designe par 'Meme maillot, memes objectifs'. Et a la fin de la causerie, je retiens encore ce qui ressemblait a un cri de guerre : 'Des machines ! Des machines !'
2) Sur le temps de jeu, je suis en train de preparer une chronique sur les cles de la reussite du rugby en Nouvelle Zelande, etant parti du principe qu'il y avait probablement des sources d'inspiration et des themes communs entre nos sports.
J'ai decouvert qu'il existe deux regles chez les jeunes qui vont dans le sens de faire jouer le plus grand nombre de jeunes et de leur donner le gout du jeu (sauf dans un championnat elite regroupant quelques formations de haut niveau).
1) La premiere regle chez les plus jeunes est qu'a la mi-temps, les coaches doivent discuter en cas d'ecart trop important pour reequilibrer la 2eme periode : le coach de l'equipe dominante peut decider alors de faire sortir ses meilleurs joueurs voire de demander a certains d'entre eux de passer dans l'autre equipe.
Publié par Olivier_HBLF le 13-01-2017 08:41
(suite du post precedent)
2) La deuxieme regle est la 'half time rule' et est en vigueur jusqu'a 18 ans ! A la mi-temps, chaque coach doit faire rentrer tout joueur (ou joueuse) sur la feuille de match pour garantir que toute l'equipe aura au moins 40 min de temps de jeu !
Le responsable du rugby chez les jeunes en Nouvelle Zelande (le projet small blacks) sait que ces regles ne vont pas dans le sens purement sportif mais souligne leur importance en disant que la priorite est de donner du temps de jeu aux jeunes et la chance de ne pas vivre des matches trop desequilibres afin de ne pas les degouter et les faire aimer le sport.
Je suis certain que vous connaissez des jeunes qui ont arrete car ils se decourageaient en region de prendre des fessees de certaines formations trop fortes ou car ils passaient 18 min sur la touche : c'est la loi du sport nominale, les Blacks en ont cree une autre pour la majorite de leurs jeunes... Je suis aussi certain que vous imaginez deja la reaction de certains parents en bord de terrain si ces regles etaient mises en place au HB...
Publié par supporter le 13-01-2017 07:30
Enfin ! Enfin une analyse qui met l'accent sur les mots competition (et competition de haut niveau), collectif, gagne ! Et ce mot : guerrier, utilise par Ancien rugbyman ! Une premiere remarque : tant qu'on continuera a definir une equipe de horseball par '4 joueurs + 2 remplacants', comme je le vois souvent ecrit, on n'arrivera pas a monter la mayonnaise du collectif ! Les 6 joueurs doivent se sentir sur un pied d'egalite par rapport au role qu'ils doivent jouer pendant un match et l'une des premieres responsabilites du coach est de faire tourner regulierement ses joueurs, autre difference avec le foot. Parce qu'ils sont clients ? Non, parce que c'est en pratiquant qu'on peut s'exprimer et prendre la mesure de son propre role ,et 2 fois 10 minutes, c'est rudement court pour 6 joueurs !
Publié par AncienRugbyman le 13-01-2017 05:11
Grande reflexion sur le manegement sportif!
Encore un tres bon article Olivier.
Le horseball est un sport jeune et il manque encore beaucoup d' analyse d'avant match et d 'apres match. Les entraineurs n ont pas ou tres peu de culture du colectif. La discipline hippique et avant tout individualiste! Et presque toujours l entraineur n a pas des joueurs devant lui, il a des clients! La majorite des entraineurs sont les responsables des centres hippiques d'ou l'impossibilite de renouvellement de l' equipe. si tu perd un joueur, tu perd un client et donc de l' argent...
La grande majorite des joueurs de horseball sont d accord pour entrainer leurs chevaux tout les jours et laisse aux oubliettes leurs propres entrainement physique. Combien de joueurs de Pro Elite sont capable de faire un petit footing de 30mn, je suis sur et certains que moins de 25% en sont capable.
Il manque aussi l esprit du vestiaire si fort dans le rugby par exemple. c'est dans les vestiaires que les mots juste de l'entraineurs prennent tout leurs sens et que la victoire se forge. Un des monet fort de l'equipe de france a la coupe du monde a ete la remise des maillots aux joueurs avant la finale. Un geste inteligent de l'entraineur qui a mis sous pression ses joueurs comme avant un match de rugby, un geste qui transforme un simple joueur en un guerrier. Et ca c'est le travail de l entraineur.
Pour l instant dans le horseball je crois qu il y a beaucoup de coach et pas beaucoup d'entraineur.