Les chroniques d'Olivier - Mardi 10 janvier 2017
LE MANAGEMENT SPORTIF - 1ère partie
En ce début d’année, je souhaite vous proposer quelques chroniques basées sur certaines de mes lectures hors Horse-Ball : management, sport, l’idée est de prendre un peu de hauteur et de s’ouvrir à la réflexion en tendant des liens avec d’autres univers...
Ce billet m’a été inspiré par la lecture d’une étude menée par Anita Elberse, professeure à la Harvard Business School, sur le management de Sir Alex Ferguson, coach de Manchester United de 1986 à 2013 (cf. le Must du Leadership – hors-série Automne 2016 de la Harvard Business Review).
Cette étude, qu’Anita Elberse a menée directement avec Ferguson afin qu’elle soit la plus précise et la pertinente possible, a permis de mettre en lumière huit principes directeurs de management (pas que sportif d’ailleurs) que je vais partager avec vous et qui, je l’espère, pourront vous inspirer ou vous faire réfléchir et vous faire réagir dans votre pratique du Horse-Ball.
Sir Alex Ferguson
Principe #1 : "commencez par les fondations" |
Dès son arrivée en 1986 à Manchester United, Alex Ferguson a voulu créer les bases d’une structure à long-terme en modernisant le programme de formation du club : deux centres d’excellence pour les jeunes prometteurs ont été créés et des prospecteurs ont été engagés pour détecter les futurs grands joueurs du club. La plus célèbre des trouvailles est David Beckham, la plus marquante pour le club étant probablement Ryan Giggs, "maigrichon recruté à treize ans" et qui jouait encore à quarante ans dans l’équipe première...
Ce que Ferguson résume en confiant à Anita Elberse : "Dès l’instant où je suis arrivé à Manchester United, je n’ai plus pensé qu’à une chose : bâtir un club de football et le bâtir de A à Z. Avec pour objectif de créer une fluidité et une continuité des ressources pour l’équipe première". Une confiance dans les jeunes que le coach met en premier dans ses principes directeurs : "Je suis toujours fier d’assister à l’éclosion d’un jeune jour. Le travail d’un entraîneur, tout comme celui d’un enseignant, est d’inciter les gens à s’améliorer, à développer leurs compétences techniques, à se battre pour gagner, à devenir meilleurs au plan humain et à leur donner des bases solides pour poursuivre leur vie. (...) Accordez à des jeunes votre attention, donnez-leur l’opportunité de réussir et ils vous étonneront au-delà de ce que vous pouvez imaginer".
Je suis convaincu que ce principe fondateur vaut pour tous les sports : en rugby, le Stade Toulousain a longtemps puisé dans son vivier de jeunes joueurs formés dès le plus jeune âge au club, à l’instar des Michalak, Poitrenaud... Le club Toulousain peine beaucoup plus depuis que sa filière jeunes s’est tarie au profit du recrutement de joueurs étrangers au rendement et à l’attachement au club finalement incertains. Et c’est probablement encore plus vrai pour le Horse-Ball, sport encore assez jeune qui doit construire son avenir : la logique de construction de "A à Z" de Ferguson me semble donc particulièrement porteuse et si on voit certaines structures engagées sur cet axe avec des formations allant de poussins jusqu’aux circuits fermés, il faudrait discuter avec leurs dirigeants sur leur vision des jeunes. Sont-ils toujours vraiment perçus et animés comme un vivier pour assurer "la continuité avec l’équipe première" ?
Ce que Ferguson nous apprend ou nous rappelle surtout, c’est l’importance du développement et du renforcement de la filière jeunes. Et donc l’importance d’avoir des coaches en quantité et en qualité, constat qui fera écho aux vœux formulés dans nos colonnes ces derniers jours par un homme de terrain : Yves Tosetto... Si on se fie aux conseils de Ferguson, une priorité de notre développement doit être nos jeunes et l’expertise de ceux qui les forment !
Anita Elberse
Principe #2 : "osez rebâtir votre équipe" |
Même aux moments des plus grandes victoires, Ferguson oeuvrait pour reconstruire son équipe : durant la période où il dirigeait Manchester United, le coach a composé cinq équipes distinctes qui ont toutes remporté des titres. Ferguson confie : "Nous distinguions trois groupes de joueurs selon leur âge : les 30 ans et plus, les 23-30 ans et les plus jeunes. L’idée de base, c’était que les jeunes réussiraient à atteindre un jour le niveau de leurs aînés. Bien que j’aie toujours essayé de le réfuter, je crois que le cycle victorieux d’une équipe dure quatre ans. Nous avons donc essayé de développer une vision de l’équipe à trois ou quatre ans et prendre des décisions en conséquence. Du fait que je suis resté à Manchester United très longtemps, je pouvais me permettre de planifier à l’avance".
C’est ainsi que Ferguson n’a pas hésité à se séparer de Beckham alors que beaucoup d’autres dirigeants auraient cherché à prolonger le bail le plus possible : la star ne rentrait plus dans toutes les valeurs du club et avait probablement fini son cycle pour le coach Mancunien.
Cette approche n’est évidemment possible que pour tout club ayant développé une filière jeune (le principe #1 de Ferguson) et est valable aussi en Horse-Ball mais interpelle forcément : est-ce que les grandes équipes actuelles ont ou auront dans un futur proche cette capacité à s’auto-régénérer ou risquent-elles de s’éteindre quand leurs joueurs les plus expérimentés tireront leur révérence ? Raphaël Dubois, dans son interview d’après Coupe du Monde, nous avait confié que la démarche engagée avec une équipe de France U21 avait comme mission de maintenir un lien entre les U16 et les Pro Elite ou Ladies) : elle s’inscrit probablement dans la volonté de pouvoir "rebâtir une équipe" comme dirait Ferguson (ce qui n’empêchera pas certains d’entre vous d’émettre des doutes sur la capacité des Bleus à gérer le futur avec des joueurs maintenant retraités ou dits vieillissants).
De plus, et contrairement au football, le Horse-Ball actuel est moins marqué aujourd’hui par un turnover élevé des coaches et dirigeants, ce qui favorise forcément, comme l’a fait remarquer Ferguson, la "planification à l’avance" et donc la capacité à reconstruire sereinement son équipe...
Principe #3 : "placez la barre très haut et responsabilisez chacun pour atteindre l’objectif" |
Anita Elberse note que c’est avec des accents passionnés que "Ferguson parle de sa volonté d’inspirer des valeurs à ses joueurs. Au-delà du développement de leurs compétences techniques, il a cherché à leur apprendre à s’améliorer et à ne jamais renoncer – en d’autres termes, à devenir des gagnants". Ferguson reconnait ainsi avoir recruté en priorité ce qu’il appelait "les mauvais perdants" et exigé d’eux qu’ils travaillent extrêmement dur... Le coach insiste sur l’importance des entraînements et du niveau d’exigence élevé qu’il avait pour ses joueurs : "Nous n’avons jamais toléré une séance d’entraînement médiocre. Ce que vous voyez à l’entraînement se révèle les jours de match. C’est pourquoi chaque séance était axée sur la qualité : nous n’autorisions aucun relâchement et nous mettions l’accent sur l’intensité, la concentration, la vitesse, bref, sur la performance de haut niveau. (…) Je devais placer la barre plus haut pour mes joueurs. Il fallait qu’ils ne renoncent jamais. Je ne cessais de leur répéter : "Si vous renoncez une fois, vous renoncerez une deuxième fois…". Je n’ai cessé de répéter à mon équipe que travailler durement tout au long de sa vie est un talent. Mais j’en escomptais encore plus de la part des joueurs stars. J’attendais d’eux qu’ils travaillent encore plus dur. Je leur disais : "Vous devez montrer que vous êtes les meilleurs" et ils le faisaient".
Ce principe parlera forcément à tout sportif et à tout coach, notamment sur le niveau d’exigence et d’intensité lors des entraînements. Et ce, à tous les âges... A condition d’être à la recherche de ce que Ferguson appelle "la performance de haut niveau" car ce principe n’est forcément pas la priorité des adeptes du sport plaisir : une des difficultés dans notre Horse-Ball est d’ailleurs pour de nombreux clubs aux effectifs trop réduits de devoir faire jouer ensemble des cavaliers motivés par le haut niveau et d’autres demandeurs en priorité de jouer pour le plaisir...
Cette approche de Ferguson peut amener les coaches comme les joueurs de Horse-Ball (quel que soient leurs niveaux) à s’interroger sur la responsabilisation : comme coach, ai-je bien expliqué les objectifs collectifs pour mon groupe et comment chacun de ses membres sera responsable du succès par sa contribution individuelle ? Ai-je eu la vision, ai-je donné le sens, ai-je eu le courage de dire les choses, ai-je eu l’intelligence de valoriser les succès ? Comme joueur, est-ce que je connais la cible à atteindre, ai-je bien pris conscience que cela ne se fera qu’avec et grâce à moi, pourquoi est-ce que je joue ? Voici des pistes de réflexion ouvertes par Sir Ferguson...
Principe #4 : "ne cédez jamais, au grand jamais, le contrôle" |
"A certains moments, vous devez vous demander si tel ou tel joueur affecte l’atmosphère du vestiaire, la performance de l’équipe ou encore votre autorité sur l’équipe ou le staff. Si c’est le cas, il vous faut couper les ponts, il n’y a pas d’autre solution. Peu importe si cela concerne le meilleur joueur du monde. Le projet à long terme d’un club est plus important que n’importe quel individu et le manager doit être le personnage le plus important du club". On comprend à travers ces mots et cette vision pourquoi Ferguson n’a jamais hésité à se séparer de certains joueurs, même les plus emblématiques (comme Roy Keane en 2005, pourtant son capitaine chevronné, qui avait critiqué ses coéquipiers ou Ruud Van Nistelrooy promptement transféré au Real Madrid en 2006 après que l’attaquant batave avait affiché son mécontentement d’être relégué sur le banc).
Ce principe s’applique à tout manager de tout sport à partir du moment où il a une vision et des principes d’action pour son club. Et donc en Horse-Ball... Il est facile à transcrire pour les clubs de haut niveau mais peut aussi s’appliquer auprès des formations de jeunes où le coach doit être "le personnage le plus important du club" pour reprendre les mots de Ferguson. Je pense que beaucoup de coaches ont parfois croisé des jeunes joueurs et/ou des parents qui voulaient imposer leur vision et leurs choix : ce que Ferguson nous apprend, c’est que les meilleurs managers doivent rester fermes et conserver leur autorité : la réussite tient alors à leur crédibilité, c’est-à-dire leur expérience mais aussi leur expertise et donc, une fois encore, à leur niveau de formation et de compétences...
Je continuerai dans une prochaine chronique à vous confier les quatre derniers principes de management de Sir Alex Ferguson. Je vous laisse déjà vous inspirer de ces quatre premiers thèmes et réagir, si vous le souhaitez, pour faire avancer les réflexions de chacun !
Olivier Leschiera a découvert le horse ball grâce à ses deux filles qui le pratiquent à Montéclin (Ile de France). Grand amateur de sport en général mais non-cavalier, il s'est épris de cette discipline et a à coeur de partager sa passion, soit en commentant régulièrement des matches (il est l'un des speakers sur l'évènement "Jardy - Horse Ball"), soit en écrivant, notamment sur la page Facebook de la HB little family qu'il a créée en ce sens. |
Publié par Olivier_HBLF le 11-01-2017 23:27
Il est certain que le gros ecart entre le foot et le HB a haut niveau est que l'un des sports (rayez la mention inutile) est archi-professionnalise et genere / gere des sommes astronomiques. J'aurais pu le preciser... Mais il y a des analogies a faire, je pense et des choses a apprendre !
Petit hasard, Fabien Barthez (le gardien de l'equipe de France 1998 pour ceux qui ne s'interessent qu'au HB ou ne sont pas nes au XXeme siecle) etait sur RTL Belgique lundi soir et il est revenu sur le jour ou Beckham et Ferguson ont eu une altercation en 2003. Le coach avait ouvert l'arcade sourciliere de son joueur apres avoir shoote dans une paire de crampons...
Le manager peut aussi s'emporter en foot. En HB, l'equivalent serait le shoot dans paire d'eperons certainement...
Publié par hbold le 11-01-2017 03:58
Faut pas oublie un fait important. L'aspect financier. C'est une difference enorme entre les 2 sports. Dans un tu paies dans l'autre t'es paye. Ca articule tres differemment la gestion de groupe du coup. Ca serait tellement cool d'avoir des journees de selection etc ...mais c'est des clients