INTERVIEW
Quentin GAUTIER-LAFAYE - Mardi 07 Avril 2020
L’arbitre de horse ball fait partie intégrante du jeu : effectivement, sans arbitre pas de match. A la manière de n’importe quel autre sport d’équipe, l’arbitre est au moins aussi important que le dressage du cheval ou la maîtrise du ballon. Seuls juges sur les matchs, les arbitres sont les modérateurs et les protecteurs du jeu. Plus largement, ils sont garants de la sécurité sur et autour du terrain.
La rédaction de www.horse-ball.org a souhaité partir à la rencontre de quelques arbitres incontournables du paysage horseballistique français… Débutons par Quentin Gautier-Lafaye, afin de mieux connaitre sa vision de la discipline, son implication ainsi que son regard sur le rôle d’arbitre.
Présent depuis plus de 25 ans dans le monde du horse ball, son analyse et son engagement démontrent que cette discipline est bien plus qu’un sport : c’est une véritable passion !
. Bonjour… Pourriez-vous nous présenter votre parcours dans le monde du horse ball et les raisons qui vous ont poussé à vous engager dans l’arbitrage ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Bonjour, j’ai commencé le horse-ball en 1992 à Lyon, chez Bertrand Petrequin. A l’époque, il obligeait tout joueur à arbitrer. C’est comme ça que j’ai commencé, ça m’a plu car c’était une autre façon de s’investir dans le sport et de participer au match. Et probablement un peu aussi parce que je suis quelqu’un de fondamentalement attaché au respect de la règle. Je suis ensuite monté à Paris pour mes études. J’ai alors rejoint le centre équestre de La Grange Martin (Gif sur Yvette) où j’ai continué à jouer et à arbitrer, en plus de me mettre à coacher les équipes de jeunes.
. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris, quant aux compétences nécessaires à la fonction d’arbitre, et qui ne sont peut-être pas des qualités premières pour vous ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Je ne sais pas si "surpris" serait le terme juste… Un arbitre a besoin de faire preuve de pédagogie, ce qui est un sujet que j’ai toujours aimé travailler, au point que j’ai longtemps hésité à devenir professeur des écoles. Mais dans le même temps, il doit arriver à garder son sang froid en toutes circonstances, et ça, pour le coup, c’est une compétence qu’il a fallu travailler !
. Donnez-moi 1 avantage et 1 inconvénient à arbitrer ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Je vais commencer par l’inconvénient car c’est très simple, on se fait peu d’amis ! Pour ce qui est de l’avantage, c’est une opportunité de s’investir dans le sport, même quand l’âge venant on ne dispose plus forcément de la condition physique nécessaire pour jouer à haut niveau.
. D’après-vous faut-il avoir été joueur (ou être joueur), pour être un meilleur arbitre ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Je ne sais pas s’il faut avoir été joueur ou joueuse de horse-ball. Mais je suis certain que cela aide car la lecture du jeu est grandement facilitée. Peut-être qu’avoir pratiqué un autre sport collectif à haut niveau peut aider également… Quand on voit la façon dont son expérience sportive dans le basket permet à Jean-Michel Pignal d’être un excellent entraîneur de horse ball, je me dis que cela pourrait fonctionner pour l’arbitrage.
Ce qui est certain c’est qu’il faut véritablement aimer l’arbitrage pour être un bon arbitre. Il faut être prêt à passer du temps à l’apprentissage du règlement : la lettre et l’esprit. Il faut être prêt à aller chercher ce qui peut être appris derrière l’insulte proférée, parfois gratuitement et anonymement sur un forum, pour progresser encore. Il faut accepter qu’on va se tromper, que les joueurs auront raison de le dire même s’il sera souvent injuste de nous asséner que le match a été perdu par notre faute. Il faut travailler sur soi pour garder l’équilibre instable entre la perpétuelle remise en question nécessaire pour être meilleur et le fait d’être suffisamment sûr de soi pour ne pas se laisser dépasser par le match.
Et pour tous ces points, avoir été joueur ou joueuse n’a pas de réelle influence aidante.
. Les arbitres sont souvent source de frustration pour les concurrents… bien souvent, les joueurs impliquent les arbitres dans la responsabilité de leur propre contre-performance… Comment vivez-vous ces critiques ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Evidement, elles sont parfaitement injustes. Même quand nous faisons une erreur d’arbitrage qui coûte un but à une équipe et qu’elle perd le match par un but d’écart justement. Dans ces cas là on vient nous parler de cette erreur en passant sous silence les 3 passes ratées, la touche perdue et le cerceau de début de match… Dans ces cas là, il faut être fort dans sa tête pour tirer une leçon de cette erreur et s’améliorer. Heureusement, la communauté arbitrale est souvent là pour nous y aider, l’expérience aussi…
Mais ça reste difficile. Sur la saison 2018, si je ne me trompe pas, Mash perd le titre à quasi rien et je suis presque certain que sur leur avant dernier match nous faisons une petite erreur (sur un arrachage litigieux). Certes, ce n’est pas grand chose à l’échelle d’une saison de 18 matchs. Et pourtant je ne peux m’ôter de l’esprit, même deux ans après, que c’est peut-être à cause de nous qu’ils ne sont pas champions.
C’est bien sûr plus facile quand une équipe nous impute son mauvais résultat alors que nous n’avons pas fait de réelle faute d’arbitrage !
. Pensez-vous que la fédération met en place suffisamment de moyens pour la bonne gestion des officiels de horse ball ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Je crois qu’il ne faut pas oublier que nous sommes un sport amateur… donc les moyens sont forcément limités.
Au niveau régional, les moyens mis en œuvre dépendent avant tout de l’investissement des formateurs locaux. Dans certaines régions, il y a un vrai suivi mis en place pour accompagner les jeunes arbitres. Dans d’autres, c’est moins bien organisé.
Au niveau national, pour les arbitres Nationaux Elite, il y a une volonté de la part de Julien Thiessard, de faire bouger les choses en proposant aux arbitres de contribuer à la vie de leur sport lors de la réunion de "formation" annuelle, en retravaillant certaines formulations dans le règlement par exemple. Je trouve que ça va dans le bon sens.
La commission également est en train de faire bouger les lignes en proposant un format unifié de formation pour toutes les régions, sur la base des propositions formulées pendant la réunion de formation annuelle sus-citée. L’objectif serait également de disposer de tests à l’échelle nationale permettant de valider les connaissances des arbitres.
Enfin, au niveau du SIF il y aurait des améliorations à faire pour permettre un meilleur suivi de l’activité des officiels.
. Vous êtes Président de Jury du Grand Tournoi depuis quelques années… Parlez-nous des particularités de cet événement dans votre mission ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Le Grand Tournoi, c’est LE rassemblement du horse-ball annuel. C’est clairement le regroupement qui rassemble le plus de joueurs venus de toute la France. C’est aussi une vitrine de ce qui se fait de mieux dans notre sport au travers du Horse-Ball show, puis du GTI et maintenant de la Coupe de France, en être nommé Président de Jury par la FFE est un honneur.
Dans son organisation, c’est un événement un peu spécial car la relation avec l’organisateur est différente de celle des autres étapes des circuits fermés. Il faut s’adapter au fonctionnement fédéral tout en essayant de faire passer quelques idées au fil des années.
En amont du Grand Tournoi, il faut aider la FFE à identifier suffisamment de responsables de terrain. Et compte-tenu du nombre de terrain à encadrer, c’est déjà un peu de travail. Il faut donner son avis sur les équipes d’arbitrage proposées qui sont souvent complètement inconnues des instances fédérales pour attribuer l’ensemble des terrains au mieux en fonction de l’expérience des différents arbitres.
Ensuite, pendant le tournoi il s’agit avant tout d’assurer une certaine cohérence entre les terrains. Je ne veux pas parler d’uniformité car cela est impossible vu le nombre d’arbitres issus de différentes régions et dont c’est, pour beaucoup, le seul événement d’échelle nationale de l’année. Nous n’avons donc pas l’occasion de nous accorder sur la façon de siffler ceci ou cela.
Passer une consigne, faire un retour au détour d’un match sont mes seuls moyens d’action. Je passe donc mes journées à me déplacer d’un terrain à un autre pour m’assurer que tout se passe bien. Je suis là aussi pour venir soutenir les équipes arbitrales en cas de difficulté avec une équipe ou des spectateurs.
. Les arbitres sont-ils rémunérés ? Comment s’organise la prise en charge financière des arbitres au niveau régional et/ou national ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Le mode défraiement proposé par le collectif des organisateurs a, à mes yeux, deux avantages : un arbitre sait clairement combien va lui revenir à la fin du week-end, quel que soit le lieu de la compétition ; il oblige les organisateurs à s’intéresser au sujet de l’arbitrage tout en leur permettant de réduire leur budget.
Pour faire simple, les arbitres dits permanents sont défrayés de leurs frais de déplacement, nourris et logés et touchent une vacation quotidienne. En échange, ils sont disponibles toute la journée en cas de coup dur et arbitrent 6 matchs par jour.
Les arbitres dits vacataires sont souvent des joueurs ou des entraîneurs qui viennent filer un coup de main en arbitrant un à deux matchs dans la journée. Pour cela, ils touchent 15€ par match arbitré.
Au niveau régional, les choses sont à la main de chaque CRE. Dans certaines régions, les arbitres sont totalement bénévoles. Dans d’autres, ils touchent un défraiement kilométrique, comme en Auvergne-Rhône-Alpes me semble-t-il. Dans d’autres enfin, ils touchent une vacation en fonction du nombre de matchs et du niveau arbitré, comme en Ile-de-France.
A titre personnel, j’ai longtemps arbitré bénévolement. Pour autant, je trouve à la fois bien et juste que les arbitres soient "payés" :
- "Juste" car ils sont souvent maltraités alors que nous avons besoin d’eux pour que le jeu existe et qu’ils ont un rôle important à jouer pour assurer la sécurité des concurrents.
- "Bien" car être défrayé permet de leur imposer un certain niveau d’exigence qu’il n’est pas toujours possible d’obliger un bénévole à avoir.
. Selon vous, quels sont les points ou les axes de réflexion essentiels à l’évolution de la discipline et à l’arbitrage ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Notre discipline doit continuer à travailler sur le sujet de la sécurité. Nous savons que nous pratiquons un sport dangereux mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à comment réduire le risque. Je crois que les arbitres sont des acteurs majeurs sur ce sujet qui passe en partie par l’application des nouvelles règles comme le carton blanc.
A titre personnel, je trouve que notre sport a perdu en technicité et gagné en défi physique. Enfin, quand on voit les vidéos plus anciennes qui passent sur horse-ball.org, ce n’est pas évident ! Peut-être est-ce mon regard qui a changé… Pour autant je me souviens de la grande époque de Laurent Motard ou de la jeunesse de Romain Depons où il y avait plus de trajectoires pour faire déjouer la défense. Aller moins vite et moins fort en s’appuyant sur un meilleur dressage des chevaux, comme peut le faire Margaux Bouchery par exemple, et une meilleure technique individuelle, à l’image de Jérôme Hadjout, serait, pour moi, une réelle avancée pour notre sport. Sur cet axe, comme sur le premier, les joueurs mais surtout les entraîneurs ont un rôle majeur à jouer. Les équipes de France ont également un rôle à jouer en étant les ambassadrices d’un jeu à la Française, dont je pense qu’il nous ferait reprendre les rênes du horse-ball mondial.
C’est aussi réconfortant de voir les équipes de Loire sur Rhône, même si elles ne sont pas toujours l’exemple de ce que je viens de dire, être dans le haut du classement quand on sait que cela vient récompenser le travail d’entraîneur d’Eve et Olivier et de l’ensemble de leurs joueurs qui s’entraînent individuellement et collectivement plusieurs fois par semaine. Le horse-ball souffre de son côté "équipe d’amis", qui n’ont pas la réelle possibilité de s’entraîner ensemble de façon régulière. Je l’ai souvent dit : entre "sport de potes" et "sport reconnu" il faut malheureusement faire un choix. Les deux options ont autant de valeur à mes yeux mais me semblent incompatibles et n’appellent pas la même organisation.
Pour revenir à l’arbitrage, je trouve très bien que l’arbitrage à pied nous ait permis d’avoir plus d’arbitres sur les circuits fermés. Mais au niveau régional, je ne constate pas la même augmentation sur la durée. Ce sont un peu toujours les mêmes qui officient sur les journées. Il y a sûrement un axe de travail à ce niveau. Il faut aussi travailler sur les passages de niveau des arbitres pour que cela se fasse de façon plus uniforme à l’échelle nationale et permette de récompenser l’investissement des arbitres et la qualité de leur arbitrage.
. Avez-vous un dernier message à faire passer ?
. Quentin Gautier-Lafaye : Cela fait un peu plus de 26 ans que j’ai commencé à m’investir dans le horse-ball. Il a fallu faire beaucoup de sacrifices mais je crois que ce sport me l’a bien rendu en m’offrant de vrais moments de plaisir, des souvenirs inoubliables, des amis ; des moments de peine aussi malheureusement.
Je ne peux que conseiller à ceux qui aiment ce sport de s’investir à fond pour reprendre le flambeau à leur tour et écrire de belles pages pour ce sport merveilleux.
Pour paraphraser Saint Exupéry, les Inuits ou les africains (selon les sources) : Nous n’héritons pas le horse-ball de nos parents...
. Merci Quentin d’avoir répondu à nos questions… à très bientôt !
Publié par Topppp le 09-04-2020 20:57
Top interview merci Quentin pour ce que tu fais ! Bravooo
Publié par Jaloux le 07-04-2020 22:17
Spectateur, tres interessant ton commentaires ... ne serait tu pas un peu jaloux plutot ? Si personnellement je ne suis pas toujours d accord avec les arbitres , lui au moins a ouvre et ouvre encore pour le horse ball ! On doit lui dire merci de continuer a nous arbitrer (surtout avec ce genre de commentaire ) et preuve en est avec ou sans association cela se passe toujours. 'nAussi bienn' ! Ha si j oubliais aujourd'hui on voit pas mal de nouvelles tetes qui ont maintenant le droit d arbitrer ! Donc spectateur reste y on se porte tres bien sans toi vu ton etat d esprit ..
Publié par Association le 07-04-2020 19:12
Ben au moins lui n'a pas trahi l'esprit de famille de notre sport...
Publié par spectateur le 07-04-2020 13:52
aucun mot sur la trahison vis a vis de l association des arbitres qui avai tout mis en oeuvre pour ameliorer la situation et avait reuni les personnes
une personne qui ne se remet pas souvent en cause et se croit souvent au dessus de tt le monde. tout le monde a son vecu et faut savoir respecter les autres
faut savoir aussi sortir le nez de la lettre et pas faire de difference selon les categories. le reglement est pour tous et toutes les equipes