INTERVIEW
Sernin PITOIS - Jeudi 02 Avril 2020
Responsable d’une structure, joueur, entraineur, organisateur… et acteur incontournable du horse ball français pendant de nombreuses années, Sernin Pitois est aujourd’hui en retrait de la vie horseballistique.
Alors que le recul n’a pas toujours été la caractéristique principale de son personnage, son amour pour le horse ball, son engagement et son franc parlé ont toujours été omniprésents.
C’est avec beaucoup de plaisir que la rédaction de www.horse-ball.org a souhaité interroger Sernin Pitois, figure emblématique du horse ball normand et national. Loin des préoccupations horseballistiques qui prennent aux cœurs les acteurs actuels, il se livre sur les raisons de son retrait et exprime avec recul et discernement sa vision d’une discipline qui a rythmé sa vie pendant plus de 20 ans.
. Bonjour Sernin… Cela fait quelques années que vous êtes absent des terrains de horse ball. Pouvez-vous nous expliquer cette mise en retrait ? Quelles sont vos activités aujourd’hui ?
. Sernin Pitois : Bonjour… Et bien, ça va bien. Je ne pensais pas pouvoir vivre loin du horse ball, ça été une part énorme de notre vie (pour Marie Quetier et moi-même). D’abord on a 2 « mioches » qui n’ont pas le droit de s’approcher d’un cheval (c’est trop dangereux)... Ensuite, pendant 20 ans, nous pouvions vivre uniquement pour le Horse ball car le père de Marie s’occupait de l’entreprise quand nous partions. Aujourd’hui, nous devons « gérer le business » ! Cette mise en retrait a d’abord été consécutif à l’accident de Marie, qui a eu du mal à s’en remettre. Cela a pris 4/5 ans et nous avions 2 enfants en bas âge. J’ai donc arrêté « la blague ». Je suis néanmoins le horse ball de près. Tout d’abord car que je suis supporter des équipes de Coutainvillle et de Rouen, mais également car c’est agréable d’avoir un œil plus lointain sur la discipline… il est plus facile de critiquer tout ce qui est fait en restant loin et en n’ayant aucune décision à prendre pour l’évolution du sport.
. A ce jour, quel lien entretenez-vous avec le horse ball, d’autant qu’une équipe aux couleurs de Coutainville est toujours présente dans le circuit Pro Elite ?
. Sernin Pitois : D’abord je ne peux que remercier Thomas Datin qui permet de faire perdurer ce club, c’est super. D’autant qu’il garde l’esprit que l’on a toujours eu, il est avec ses potes et ils passent ensemble de bon week-ends. Je n’interviens en rien dans l’équipe, personne n’a besoin de moi. Pour coacher une équipe Pro Elite, il faut être très impliqué intellectuellement, peut-être encore plus que les joueurs… et avec Jean-Michel Pignal et Baptiste Vignal, je pense que nous ne pouvons pas faire mieux !
. Quels sont vos meilleurs souvenirs de horse ball ?
. Sernin Pitois : Mes meilleurs souvenirs… Je ne peux pas dire j’ai que ça... J’ai dû commencer le horse ball en cadet en 1993 et finir en 2014. Après 20 ans au cœur de cette discipline, il y a des tonnes de souvenirs : les voyages avec des camions déglingués, les leçons de morale de Manou et Jeff (Emmanuel Heuslin et Jean-François Bourdon), ma rencontre avec Marie, les adversaires parmi lesquels les gifois, les chamblysiens, les saumurois, les sudistes… les amis, Thomas Datin, Arthur Schowb, Pierre Abadie, Clément Haby, Mathilde Duboscq, Estelle Leguevaques, Marlène Lequertier, Balou (Baptiste Auclair), Gildas Mabillais, Christophe Gougnot, Clémence Lamothe, Julie Petit, Gaëlle Lebris, Eve Segear…
Ce qu’il faut reconnaître c’est que pendant 20 ans, tu côtoies des gars et des filles qui ont leurs problèmes la semaine, mais qui le week-end, sont uniquement là pour se faire plaisir sur les journées de horse ball. De plus, nous sommes très peu nombreux, alors passé la rivalité sportive qui est réelle (mais tellement insignifiante), nous passions des moments vraiment sympas, pour ne pas dire plus !
Après, j’ai des souvenirs qui sont plus intenses que les autres, notamment les 5 ou 6 saisons passées avec l’équipe Féminine. Nous étions tellement bien ensemble, nous nous entraînions comme des malades, nous avions confiance en l’équipe… et nous gagnions tout ! Je me souviens aussi de la cérémonie d’ouverture des JEM 2014, au moment où nous attendions d’entrer en piste dans le couloir d’accès. Nous vivions un moment unique pour notre sport entre amis.
Je peux dire les moins bons souvenirs mais il y en a très peu. Il est certain que quand ton cheval ne peut pas jouer ou que lorsque l’un de tes coéquipier est absent c’est moins joyeux !
. Vous avez été joueur, entraîneur, organisateur… quel est le « costume » que vous avez préféré revêtir ?
. Sernin Pitois : J’ai n’ai aucun regret, je me suis éclaté en tant que joueur avec mes différents coéquipiers. J’ai joué toute ma carrière pour le même club (Coutainville). Nous avons débuté en régionales pour finir en Pro Elite.
En tant qu’entraîneur, avec les garçons… je crois que mon message ne passait pas car nous avions d’abord une ancienne relation de coéquipiers avant d’avoir celle d’entraîneur.
Avec les filles, rien à voir. Je passais la semaine à regarder des vidéos de nos adversaires et pendant les entraînements nous préparions les matchs. Les filles faisaient exactement ce qu’on avait préparé. Il y avait une véritable cohésion et une confiance entre les uns et les autres. Enfin le rôle d’organisateur… Finalement, c’est le plus stressant ! Tu sais que ceux que tu accueilles, paient une prestation qui doit être à la hauteur de leurs attentes. Tu ne satisfais jamais tout le monde, mais tu te dois de ne jamais décevoir tout le monde. C’est très dur, comme position. Je vais finir par les JEM que nous avons organisé en 2014 à Saint Lô, ça va faire plaisir à mes potes si j’en parle (ils me disent que je suis resté « bloqué » sur cette organisation). C’est la seule fois où on a organisé de manière « professionnelle », car les membres de Coup d’Envoi étaient tous des bénévoles. Nous avons organisé Saint Lô pendant plus de 15 ans et on fait au mieux avec des bouts de ficelles, comme la majorité des autres organisateurs d’ailleurs. On déplace des montagnes pour notre sport. Mais au JEM en 2014, déjà au réunion de préparation… tu es remis à ta place, c’est à dire que ta tête dépasse à peine de la table. Tout doit passer par les têtes pensantes, les décideurs. Par contre, en cas de problème, c’est toi (enfin pour cet événement c’était moi) qui doit assumer les responsabilités. Alors on retient les 4 soirées avec un manège rempli de spectateurs (sold out)… avec des entrées payantes ! Pour ceux qui y étaient, j’espère que nous pourrons revivre de tels moments. Par contre, personnellement j’en veux toujours aux joueurs et au staff des équipes de France pour l’accident lors du match Pro Elite, Italie vs France. Les français étaient épuisés de leur nuit, et n’ont pas joué à 100% de leurs moyens. En fait, nous nous sommes senti trahi par notre propre camp. Avec Marie, ça faisait depuis 2008 que nous pleurions à toutes les réunions pour que le horse ball ait une place pour ce grand événement, il fallait montrer patte blanche. Ils nous ont fait faux bon. On peut encore voir la vidéo du joueur français qui sort sur civière quand on tape « horse ball » sur google. Nous n’avions vraiment pas besoin de ça !
. Vous avez été pendant de nombreuses années un acteur engagé pour la discipline et son développement, quelle est votre analyse du horse ball français actuel ?
. Sernin Pitois : C’est maintenant que je vais passer pour un « vieux con has been ». On en a souvent parlé ensemble. Nous avons été bercés par les récits des « pionniers », je peux en citer mais je vais en oublier . Finalement dans chaque région, il y avait une personne ou un groupe qui prenait son bâton de pèlerin et allait dans les clubs répandre « la bonne parole ». Mais la fédération n’avait pas une politique de club comme depuis ces 15 dernières années. Le horse ball faisait son affaire de son côté et n’attendait aucun soutien de personne, Depons évidemment, Thiebault, Karoubi, Verrier, De Waziere, Massé en Bretagne, Macé en Val de la Loire, Laguerre, Ponzo, Lefort, Orgels, Rigaud, Quetier, Tosseto et bien d’autres… Mais chacun dans sa région. Nous avons été totalement intégrés à la FFE, et maintenant nous devons accepter sa politique, celle du développement depuis le pied de la pyramide. Et de plus en plus de club pratique le horse ball en tant qu’outil pédagogique. Nous sommes obnubilés par la compétition, mais il faut se mettre en tête que le niveau PRO et AMATEUR n’est qu’une minorité du horse ball. Et maintenant les joueurs qui arrivent au niveau PRO sont souvent issus de cette politique de club, le horse ball ludique. Je pense qu’on est dans un changement de génération qui est plus consommateur du horse ball. C’est à nous, la génération d’avant, de leur donner les moyens de faire du haut niveau dans de bonne conditions. Il y a 15 ans on se battait tous pour s’impliquer dans la gestion de la discipline… aujourd’hui ce n’est plus le cas. Quand Julien Thiessard partira, y aura-t-il quelqu’un qui aura envie de récupérer ce fardeau ? J’en doute ! Oui ça m’a piqué quand la France a perdu le titre, il fallait bien que ça arrive, mais j’aurai préféré que ce soit après le passage de Clément Haby. Pour le horse ball de « haut niveau », j’entends les critiques, les joueurs deviennent de plus en plus des joueurs mais de moins en moins des cavaliers ! C’est la même chose en CSO, ce sont de plus en plus des pilotes. Mais il y a un facteur à ça, c’est la pédagogie fédérale qui fait plus de l’équitation une activité ludique, qu’un « art ».
. Les générations se suivent et ne se ressemblent, pas forcement dans le monde du horse ball. Vous faites partie de la génération qui a côtoyé les anciens, qui a profité de leur investissement… et vous avez également vu arriver la jeune génération. Quelle analyse faites-vous des uns et des autres (leur investissement, leur attentes, leurs points forts, leurs points faibles) ?
. Sernin Pitois : D’abord je leur dis merci de faire perdurer ce sport. Il ne faudrait surtout pas tomber dans le panneau du « c’était mieux avant ». Bien que c’était vraiment « super avant », mais il n’y avait pas autant de « chevaux au bouton ». Bien entendu il y avait de très bons chevaux mais c’était des exceptions. Il y a quelques années, il était possible d’arriver avec un « réformé des courses » qui avait couru le week-end d’avant et se présenter sur un terrain… Aujourd’hui c’est inimaginable. Quant aux joueurs et joueuses, il faut se souvenir de ce qu’était le jeu de balle il y a 20 ans, c’est du niveau club moderne. Aujourd’hui, je ne sais pas si les choix tactiques sont bien meilleurs, mais le niveau de technique individuel global a nettement augmenté. Je vois les vieux faire des bonds, mais c’est pareil que pour les chevaux, il y avait quelques joueurs ou joueuses au-dessus individuellement… mais maintenant c’est plus répandu. Il y a plein de choses à améliorer, mais le Horse ball est un sport jeune, seulement 40 ans c’est rien pour un sport. Il y a une chose qui se vérifie toujours c’est l’équipe qui s’entraîne le plus qui gagne. Je prends pour exemple Loire sur Rhône en ce moment qui fait les choses très sérieusement et sont en passe d’avoir les titres suprêmes en mixte et en féminine. Bravo à eux c’est logique et mérité !
. A l’époque vous souhaitiez que le horse ball soit présent aux JO et devienne un sport connu et reconnu… Avec les années et le recul, que souhaiteriez-vous pour le horse ball dans les prochaines années ?
. Sernin Pitois : Nous croyons toujours au horse ball, c’est un sport extraordinaire, assez difficile d’accès donc qui sera toujours limité dans son développement. Quand tu es acteur impliqué tu es pressé parce que tu y crois. En voyant les choses de plus loin comme je l’ai dit nous sommes un sport jeune. Mais notre force en France est d’être intégrée totalement à une Fédération, agrémentée par le Ministère… et cela nous donne un crédit que n’ont pas les autres nations. Il faut suivre le rythme de la politique fédérale, c’est dur. Mais sans la FFE il y aurait des luttes de clans qui nous décrédibiliserait définitivement. Je vous remercie de m’avoir laissé une tribune. J’encourage tous les jeunes à y croire et à s’impliquer le plus qu’ils peuvent. Le horse ball en vaut la peine !
. Merci Sernin d’avoir répondu à nos questions… à très bientôt !
Publié par Lenengoa82 le 06-04-2020 19:25
merci, merci et remercie a marie, sernin et a toutes les equipes de coup d'envoi de m'avoir comble de bonheur pendant toutes ces annees.il reste encore une equipe proelite tres performante.aucun regrets, que des souvenirs et un peu de nostalgie aussi. Bonne continuation . et les plus jeunes a vos marque!!
Publié par Djouls le 05-04-2020 02:48
Tres belle interview ! On espere qu'il y en aura d'autres avec les personnalites qui ont marque l'histoire du horseball !
Publié par Ecuriesdupato le 03-04-2020 20:34
Merci Sernin pour cette interview.
Marie et toi manquez sur le circuit.. votre sourire, votre entrain... que de bons souvenirs.. comme les huitres et les bullots a st lo...
bonne route a tous les deux.
Et Merci a horse ball.org pour ce petit plaisir de lecture.
Publié par jeandu41 le 03-04-2020 10:20
Merci a Sernin d'avoir loue en 2015, a notre fils Romain ,la jument 'MALIANA'de Marie. elle lui avait permis de devenir champion de France junior et champion de France Amateur 3.
Publié par Anne-Gwenn le 02-04-2020 13:41
Merci Sernin et Marie, effecivement je me pose des questions sur l'investisement des joueurs actuels pour leur sport. Merci horse ball.org pour la derniere photo des soeurs Le Bris jouant sur des chevaux de club , je pense que cela n'est plus possible de jouer a ce niveau la avec des chevaux qui faisaient les cours de debutant, du cso, du cce, du dressage, du TREC avec des resultats dans chacune des disciplines.
Publié par helena le 02-04-2020 11:24
Merci pour cette lecture tres enrichissante Mr Pitois !!